UN ECRIVAIN EST NÉ
Un écrivain est né, retenez son nom: Wilfried N’Sondé.
Il y a longtemps je n’avais point lu de roman aussi percutant et iconoclaste dans la littérature congolaise – mais peut-on encore parler de littérature congolaise?
Le livre commence avec le protagoniste en prison. Tout ce que l’on sait c’est qu’il est incarcéré pour avoir tué. Pourquoi? Comment en est-il arrivé là? C’est ce parcours qui constitue la substance du roman.
Né en Afrique (plus précisément au Congo Brazzaville), enfant des banlieues parisiennes – les fameux quartiers dits sensibles – où il a grandi, le narrateur raconte dans une langue délirante, poétique, violente, éblouissante, sa vie débridée, une vie menée à cent à l’heure entre défonces, copains et copines, amours sublimées et amours charnelles, petits et gros délits. Il procède pour cela par une succession de flash-back désordonnés et kaléidoscopiques qui, peu à peu , comme un puzzle, se mettent en place pour révéler
l’individu dans la plénitude de son mal-vivre.
En contrepoint du récit plane l’ombre tutélaire de l’ “Ancêtre ”, une sorte de voix et conscience de l’Afrique éternelle qui sans cesse exhorte cet enfant d’Afrique incarcéré de “ne pas courber l’échine”, de savoir d’où il vient, et de ne pas oublier que ses aïeuls étaient un peuple fier et digne. Ces appels et rappels de l’Ancêtre nous font saisir à contrario l’immense déclin et naufrage dans lesquels ont sombré l’Afrique d’aujourd’hui et ses politiciens.
Ce petit livre d’à peine 130 pages ne serait qu’un autre livre bien écrit s’il n’y avait en filigrane cette question toujours actuelle du questionnement identitaire. « T’es quoi enfin, français ou Africain ? » se demande le narrateur pratiquement à la fin du livre, après nous avoir tout livré sur lui-même. C’est cette même quête identitaire qui hantait déjà les pères fondateurs de la Négritude quand ils essayaient de cerner leur « identité nègre », à cette différence que Wilfried N’Sondé ne se lance pas dans des discours philosophiques ou ontologiques. Il parle de lui-même et pour lui-même, il ne partage que son expérience personnelle, charnelle et spirituelle, d’où ce sentiment de totale empathie que nous ressentons en fermant le livre.
« La Haine » , le film de Matthieu Kassowitz avait révélé le monde des banlieues à l’opinion française. « Le cœur des enfants-léopards » va plus en profondeur , et c’est bien là la supériorité du roman sur le cinéma, cette capacité à pénétrer aux plus profonds abîmes d’un être et les révéler à la lumière du jour. Je pense que je ne m’avance pas trop en disant que ce livre fera date dans cette littérature montante des jeunes « issus de l’immigration » , cette génération de la « migritude ».
Bravo Wilfried pour ce premier roman, il te reste à nous confirmer ton talent par un deuxième livre aussi fort.
Il y a longtemps je n’avais point lu de roman aussi percutant et iconoclaste dans la littérature congolaise – mais peut-on encore parler de littérature congolaise?
Le livre commence avec le protagoniste en prison. Tout ce que l’on sait c’est qu’il est incarcéré pour avoir tué. Pourquoi? Comment en est-il arrivé là? C’est ce parcours qui constitue la substance du roman.
Né en Afrique (plus précisément au Congo Brazzaville), enfant des banlieues parisiennes – les fameux quartiers dits sensibles – où il a grandi, le narrateur raconte dans une langue délirante, poétique, violente, éblouissante, sa vie débridée, une vie menée à cent à l’heure entre défonces, copains et copines, amours sublimées et amours charnelles, petits et gros délits. Il procède pour cela par une succession de flash-back désordonnés et kaléidoscopiques qui, peu à peu , comme un puzzle, se mettent en place pour révéler
l’individu dans la plénitude de son mal-vivre.
En contrepoint du récit plane l’ombre tutélaire de l’ “Ancêtre ”, une sorte de voix et conscience de l’Afrique éternelle qui sans cesse exhorte cet enfant d’Afrique incarcéré de “ne pas courber l’échine”, de savoir d’où il vient, et de ne pas oublier que ses aïeuls étaient un peuple fier et digne. Ces appels et rappels de l’Ancêtre nous font saisir à contrario l’immense déclin et naufrage dans lesquels ont sombré l’Afrique d’aujourd’hui et ses politiciens.
Ce petit livre d’à peine 130 pages ne serait qu’un autre livre bien écrit s’il n’y avait en filigrane cette question toujours actuelle du questionnement identitaire. « T’es quoi enfin, français ou Africain ? » se demande le narrateur pratiquement à la fin du livre, après nous avoir tout livré sur lui-même. C’est cette même quête identitaire qui hantait déjà les pères fondateurs de la Négritude quand ils essayaient de cerner leur « identité nègre », à cette différence que Wilfried N’Sondé ne se lance pas dans des discours philosophiques ou ontologiques. Il parle de lui-même et pour lui-même, il ne partage que son expérience personnelle, charnelle et spirituelle, d’où ce sentiment de totale empathie que nous ressentons en fermant le livre.
« La Haine » , le film de Matthieu Kassowitz avait révélé le monde des banlieues à l’opinion française. « Le cœur des enfants-léopards » va plus en profondeur , et c’est bien là la supériorité du roman sur le cinéma, cette capacité à pénétrer aux plus profonds abîmes d’un être et les révéler à la lumière du jour. Je pense que je ne m’avance pas trop en disant que ce livre fera date dans cette littérature montante des jeunes « issus de l’immigration » , cette génération de la « migritude ».
Bravo Wilfried pour ce premier roman, il te reste à nous confirmer ton talent par un deuxième livre aussi fort.
Le Cœur des enfants léopards par Wilfried N’Sondé, roman, Actes Sud , 15 euros.
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